On ne laisse personne derrière: la bataille pour décriminaliser le travail du sexe des migrant.e.s en Nouvelle-Zélande

PAR JESSE DEKEL

Traduction par Melina May et Adore Goldman

En 2003, la réforme de la Loi sur la prostitution est passée, venant décriminaliser le travail du sexe pour les citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s et pour les résident.e.s permanent.e.s. Par contre, la décriminalisation ne s’est pas étendue aux travailleuse.eur.s du sexe (TDS) migrant.e.s. En résulta deux décennies d’exploitation, de coercicion et de criminalisation pour les migrant.e.s qui choisissent de faire du travail du sexe en Nouvelle-Zélande, parce qu’iels ne peuvent pas accéder aux mêmes droits du travail que les autres TDS. Cette année, une pétition parlementaire a été lancée par la TDS et organisatrice Pandora Black dans le but d’abroger la Section 19 de réforme sur la Loi sur la prostitution de 2003 et d’applique aux TDS migrant.e.s qui ont un visa, les même droits du travail et les mêmes protections auxquels les citoyen.ne.s et résident.e.s permanent.e.s ont accès. Je me suis entretenue avec Dame Catherine Healy, fondatrice du New Zealand Prostitutes Collective (NZPC), à propos des lois actuelles et de comment elles ont été mises en place, ainsi que de l’organisation des TDS autour de cet enjeu en Aotearoa1. Catherine Healy est aussi une militante pour les droits des TDS, une chercheuse de terrain et une ancienne TDS. Voici ce qu’elle avait à dire.

Jesse: La réforme de la Loi sur la prostitution de 2003 a décriminalisé le travail du sexe pour les citoyen.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s, mais pas pour les TDS migrant.e.s. Comment sont traité.e.s les migrant.e.s sous l’actuelle réforme de la Loi sur la prostitution?

Dame Catherine Healy: Je veux d’abord dire que nous étions absolument dévasté.e.s quand cette clause a été mise comme condition à la décriminalisation. Elle a été ajoutée à la dernière minute par l’ancienne ministre de l’immigration Lianne Dalziel qui faisait du lobby pour les militant.e.s anti-trafic. Elle a rendu son support conditionnel au fait que les migrant.e.s ne seraient pas capables d’entrer au pays avec l’intention de devenir TDS, et cela ne faisait pas de sens pour nous. Et conséquemment, tout ce que vous pouvez imaginer qui aurait pu arriver en terme de criminalisation du travail du sexe arriva et est toujours d’actualité. Les TDS migrantes sont parfois ciblées parce qu’il est de notoriété publique qu’elles travaillent en brisant les lois sur le travail du sexe en terme d’immigration et par le fait même, forcées de travailler dans la criminalité.

Aussi, les autorités les recherchent sous prétexte qu’elles veulent voir si des TDS migrantes sont victimes de trafic, et cela est vraiment terrifiant. Les agent.e.s d’immigration se rendent sur les lieux de travail plusieurs à la fois, et j’ai entendu une histoire où jusqu’à 20 agent.e.s entouraient un certain bordel pour voir s’il y avait des TDS trafiqué.e.s dedans. C’est extrêmement effrayant pour les gens dans cette situation qui ont décidé de devenir TDS et qui ont le droit de travailler dans n’importe quelle autre industrie dans ce pays, excepté le travail du sexe. Donc, c’est une grave préoccupation. Et bien sûr, si vous êtes déporté.e.s, on vous remet un « avis de responsabilité de déportation » qui documente le fait que vous étiez TDS dans ce pays en lien avec une infraction, ce qui est incroyablement stigmatisant pour les personnes qui ont été déportées dans leur pays d’origine où fréquemment, il n’y a pas de support pour le travail du sexe.

Alors, la loi est que si vous venez dans ce pays avec l’intention de devenir TDS et que vous demandez un visa de travail, vous ne pouvez pas être TDS. Cela fait beaucoup de dommage. Et nous avons vu des TDS qui ont été agressé.e.s et qui ont eu peur de dénoncer ces agressions à la police. Nous avons vu des employé.e.s d’hôpitaux nous contacter en disant: « Écoutez, nous avons quelqu’un ici qui a besoin de support » et nous découvrons que cette personne est une TDS migrante qui a été battue, volée ou pire. Et ce sont les conséquences directes de la loi qui continue de les criminaliser puisqu’elles sont directement exposées aux risques auxquels elles ne devraient pas être exposées à cause de la loi.

Jesse: Comment travailler comme un.e TDS migrant.e en Nouvelle-Zélande a changé depuis la réforme de la Loi sur la postitution?

Dame Catherine Healy: Avant la réforme de la Loi sur la prostitution de 2003, les TDS qui étaient arrêté.e.s n’étaient pas des TDS migrant.e.s, elles étaient des citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s. Alors, nous avions cette expérience à travers nos différentes communautés d’être arrêté.e.s et emmené.e.s à la cour. La loi d’avant n’impactait pas autant les TDS migrant.e.s qu’elle le fait maintenant. Iels sont exposé.e.s à être dénoncé.e.s à l’immigration lors de recherches de supposées victimes de trafic.

Jesse: Oui, les lois anti-trafic sont imprégnées des réformes racistes, et c’est la même chose partout dans le monde. Je pensais à ça plutôt cette année quand, au Royaume-Uni, le parlement considérait passer une loi sur l’exploitation sexuelle, et toutes ces ONG libérales qui sont financées par des millionnaires et complices du complexe militaro-industriel et qui, en fait, participent à ces actes odieux contre le supposé « trafic sexuel » alors qu’ils sont eux-même impliqués dans ces atrocités. C’est très hypocrite et dégoûtant.

Dame Catherine Healy: Ce l’est. Je pense que c’est exactement cela. Vous avez ce mouvement de gens qui sont sérieux à propos des droits du travail, et iels sont attaqué.e.s dans ces réformes de ce point de vue. La terminologie « esclavage moderne » est devenue l’épine dorsale du discours anti-trafic. Il y a un groupe assez éclectique de gens qui ont des intérêts pour l’amélioration des conditions de travail qui ont été attirés dans ces discussions, mais nous devons être prudent.e.s de développer des lois dans lesquelles des termes ambiguës comme « exploitation » sont définis prudemment pour ne pas causer plus de tort.

C’est notre lot dans ce pays que les gens s’inquiètent des droits, de la sécurité, de la santé et du bien-être des TDS, qu’il n’y ait pas de lois qui vont contribuer davantage à faire du dommage. Nous devons obtenir des actions politiques pour abroger la loi qui cause du tort aux migrant.e.s dans ce pays. Nous avons attendu depuis 2003 pour une balance au parlement où nous pensions que nous pourrions obtenir assez de support pour voir l’abrogation de cette loi, mais nous sentons tout de même que le support politique sera très dur à construire, il s’agit donc d’une véritable lutte pour comprendre comment les choses pourraient s’améliorer de façon spectaculaire avec l’instauration de bons droits du travail et de bons droits en matière d’immigration pour les TDS migrant.e.s.

Jesse : Quel est le discours du gouvernement pour décriminaliser le travail du  sexe pour les citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s et les résident.e.s permanent.e.s, mais toujours pas pour les TDS migrant.e.s ? Comment répondez-vous à cela ?

Dame Catherine Healy : À l’époque, en 2003, lorsque le vote a eu lieu, 120 politicien.ne.s ont exercé leur vote et un politicien s’est abstenu. Il s’est senti tellement en conflit qu’il n’a pas su voter pour ou contre et donc, la loi a été adoptée à une voix près, mais c’était un projet de loi très contesté. Il n’a pas été promu par le gouvernement de l’époque, car c’est un seul député qui l’a soumis en tant que projet de loi d’initiative parlementaire et qui a été soutenu par la première ministre Helen Clark. Certains membres de son propre gouvernement et de son parti se sont opposés au projet de loi, tandis que d’autres membres des partis d’opposition l’ont soutenu (le Parti Vert, par exemple, l’a entièrement appuyé) et nous pensons qu’ils soutiendraient également aujourd’hui l’abrogation totale de la législation sur les migrant.e.s. Le gouvernement a également pensé à intégrer un code moral dans la législation : il a déclaré que s’il soutenait la décriminalisation de la prostitution, il ne l’approuvait pas moralement. Il y avait donc une attitude selon laquelle la législation ne convenait pas tout à fait au gouvernement et je pense qu’une partie de la logique de la formulation particulière utilisée était liée au fait que le gouvernement ne voulait pas être un jour dans la position d’être accusé de contraindre les gens à travailler dans l’industrie du sexe. Par exemple, certaines personnes demandent pourquoi Travail et Revenu (qui est notre grande agence gouvernementale d’aide sociale et qui fait partie du Ministère du Développement Social) ne peut pas promouvoir le fait que les maisons closes ont des emplois pour les TDS ? Le gouvernement prétend qu’il ne l’autorise pas, car il pourrait être accusé de dire « Débarrassez-vous de votre allocation de demandeur d’emploi et allez travailler dans un bordel », ce qui le compromettrait d’un point de vue moral.

Je pense donc que le fait que les TDS sont placé.e.s au coeur de la législation prouve que les objectifs de la loi sont de protéger les droits humains des TDS, etc. et c’est une bonne chose. Mais nous avons eu beaucoup à faire dans la rédaction de la législation et nous n’avons pu tout contrôler car elle est entrée dans l’environnement politique et a été tirée dans tellement de directions différentes par les débats qui ont eu lieu dans ce contexte, y compris le débat sur lequel les politiciens ont dû voter au sein de la commission plénière du Parlement. Et c’est là que beaucoup de changements se sont produits. Nous ne pouvions pas contrôler le fait que la clause anti-migrant.e.s ait été introduite; nous pouvions dire que nous n’étions pas d’accord avec elle, mais ultimement nous ne pouvions pas la contrôler une fois qu’elle était dans ce contexte. Donc oui, je pense que tout en se battant pour la loi en ce qui a trait aux TDS, il y aura toujours quelque chose à l’horizon. C’est un long, long processus et nous pouvons faire des choix, mais il sera toujours difficile d’obtenir exactement ce que l’on veut. Certaines personnes vont tenir bon jusqu’à ce qu’elles obtiennent exactement ce qu’elles veulent, mais nous avons choisi de ne pas le faire. Nous avons choisi de faire avec ce que nous pouvions obtenir et d’embarquer le plus de personnes avec nous.

Je ne peux pas parler pour le gouvernement dans son ensemble, mais je sais qu’il y a encore des gens au sein de notre gouvernement qui croient vraiment qu’une partie de la législation anti-migrant.e.s a permis de réduire le potentiel de traite des personnes. Je ne comprends pas comment iels peuvent croire cela, sachant que les preuves ne le démontrent pas du tout, et que les preuves montrent en fait l’inverse. Elles montrent que la législation existante, qui est anti-migrant.e.s, crée un environnement où les migrant.e.s peuvent être exploité.e.s, sont effectivement ciblé.e.s et sont les victimes de crimes horribles en raison de cette vulnérabilité. Parce qu’iels ne sont pas en mesure de travailler ici avec le soutien légal dont bénéficient tou.te.s les autres TDS. C’est vraiment difficile. Les gens se creusent la tête et se forgent des opinions et je pense que parfois, ils ne voient pas le portrait global des problèmes qui touchent les TDS. Il y a cette impression que les migrant.e.s sont à part d’une certaine manière, qu’iels ne sont particulièrement pas capables de faire des choix. Je pense qu’il y a un sous-entendu raciste en ce qui concerne notre plus grande population de migrant.e.s venant des pays d’Asie du Sud-Est, où la perception semble être qu’iels sont victimes de gangs ou qu’iels sont trafiqué.e.s contre leur gré autour du monde. L’idée qu’il s’agit en fait de personnes qui décident elles-mêmes de venir s’installer ici, et qui prennent également certaines décisions en fonction de leur situation, selon la façon dont elles naviguent dans différents systèmes et dont elles se déplacent dans le monde, est un concept étranger à bon nombre de lobbyistes qui sont déterminés à concevoir ces migrant.e.s comme des victimes de la traite et des personnes vulnérables.

Jesse : Le NZPC existe depuis les années 1980. Comment les organisations de TDS ont-elles abordé les questions relatives aux TDS migrant.e.s ? Comment créez-vous des alliances avec le mouvement plus large pour les droits des personnes migrantes ?

Dame Catherine Healy : Pour revenir sur notre histoire, je pense que nous avons commencé en 1987, mais en 1988, nous avons eu une entente de financement avec le gouvernement et, par coïncidence, c’est à ce moment-là que beaucoup de TDS en provenance des pays d’Asie du Sud-Est sont venu.e.s travailler en Nouvelle-Zélande. Les billets d’avion étaient devenus moins chers, et il y avait beaucoup de façons de migrer. Auckland, par exemple, est devenue une grande ville où je pense qu’un cinquième de la population est composé de personnes qui s’identifient comme venant de ce groupe de pays d’Asie du Sud-Est, et qui y construisent inévitablement des alliances, à l’instar de ce qui se passe dans des sociétés plus larges. Il n’est donc pas acceptable de penser qu’il n’existe qu’une seule et unique réponse, il faut construire des alliances et travailler ensemble.

Pour nous, à l’époque, nous mettions en place des cliniques au sein de nos bases communautaires et nous travaillions en étroite collaboration avec l’équipe de santé sexuelle qui a établi un service de proximité avec nous afin que nous puissions fournir des services de proximité culturellement appropriés et dirigés par des personnes ayant une expérience du travail du sexe en Thaïlande. Pareillement, des cliniques ont été mises en place spécifiquement pour les TDS de Thaïlande et ce fut également le cas plus tard pour les TDS venant de Chine et de différents pays de cette région.

Et oui, je pense qu’il faut construire des alliances. Nous avons un projet d’information sur l’éducation des migrant.e.s avec une travailleuse qui est impliquée dans ce projet  qui est issue de ces communautés et qui peut atteindre ces populations et leur fournir du soutien. Je pense qu’il y a certainement d’autres problèmes qui affectent les migrant.e.s, par exemple, le travail sous contrat en tant qu’entrepreneur indépendant si vous êtes un.e étudiant.e et que vous venez étudier dans ce pays. Si vous êtes un.e étudiant.e international.e, il n’est donc pas possible d’être un.e entrepreneur.e indépendant.e, tel que sont considéré.e.s les TDS, et il y a donc une pression [mise sur le gouvernement] pour permettre aux personnes d’être des entrepreneur.e.s indépendant.e.s. En tant qu’étudiant.e, vous pouvez travailler 20 heures par semaine si vous êtes un.e migrant.e ou un étudiant.e international.e, mais certaines personnes diraient « Ok, c’est très difficile de travailler en tant qu’employé » et préfèrent être des entrepreneur.e.s indépendant.e.s, donc je pense qu’il est important de soutenir les mouvements qui touchent d’autres populations.

Nous avons travaillé sur différents enjeux. Par exemple, le processus que nous avons suivi avec d’autres organisations autour du rapport non gouvernemental sur la CEDAW2, nous avons travaillé avec Shakti qui représente les personnes migrantes dans un contexte plus large. Lorsque nous avons fait la présentation à l’ONU, Shakti a transmis notre message sur les TDS et nous a soutenus sur ce point. Il y a donc toutes sortes de façons de se connecter à d’autres organisations, de rechercher des thèmes et des préoccupations communes et de se soutenir mutuellement. Il y a de grandes organisations comme le Conseil national des femmes de Nouvelle-Zélande, par exemple, qui fournit un large soutien. Il y a également des regroupements et de nombreuses façons de se soutenir entre organisations qui partagent les mêmes idées, qui sont en mesure de nous soutenir, ou à qui nous pouvons apporter du soutien.

Jesse : Comment ces questions ont-elles évolué depuis la réforme de Loi de la prostitution de 2003 ?

Dame Catherine Healy : Je pense que nous sommes devenus plus conscient.e.s des vulnérabilités dans ces contextes, et que désormais les personnes sont plus intolérantes et plus impatientes que les communautés migrantes aient de meilleurs droits et de meilleures conditions. Paradoxalement, je pense qu’une partie du discours contre la traite des personnes a vraiment mis en lumière plusieurs des conditions de travail épouvantables qui se produisent dans ces contextes. Et c’est une bonne chose.

Jesse : Au Canada, les TDS poursuivent actuellement le gouvernement pour abroger la Loi sur la protection des communautés et des personnes exploitées, la loi qui a criminalisé le travail du sexe au Canada, adoptée en 2015. Toutefois, si cette contestation judiciaire est gagnée, les TDS migrant.e.s ne seront toujours pas en mesure de travailler légalement au Canada. Avant la réforme de la Loi sur la prostitution de 2003, la question du travail du sexe et de la migration était-elle abordée ? Avec le recul, y a-t-il des choses que vous auriez souhaité faire différemment ?

Dame Catherine Healy : Je pense, oui. Pour nous, le processus parlementaire et le fait de voir un projet de loi entrer au parlement et en ressortir avec trois débats intenses puis, être voté en tant que loi avec beaucoup de soutien était un nouvel environnement. Il est donc difficile, rétrospectivement, de dire si nous aurions dû agir différemment. Nous nous sommes fait entendre à l’époque, mais nous étions aussi très reconnaissant.e.s d’obtenir un quelconque changement et, comme je l’ai dit, ce n’était pas la communauté migrante qui était alors touchée aussi durement que la population maorie et les TDS qui travaillent dans la rue en particulier. Alors oui, peut-être aurions-nous dû dire: « Non, nous ne pouvons pas aller de l’avant », mais je pense que nous aurions été perdantes dans les deux cas. C’était une décision très difficile que nous n’avions pas l’impression de pouvoir prendre, car nous avions le sentiment que cela échappait à notre contrôle, c’était dans la sphère parlementaire.

Je pense qu’en ce qui concerne les questions liées aux TDS migrant.e.s, une partie du discours qui circulait à l’époque, et qui circule encore, concernait la traite des personnes et les « esclaves sexuelles », et cette façon offensante de décrire une population de TDS qui migrent pour diverses raisons pour travailler dans d’autres pays. Heureusement, je pense, du moins dans ce pays, qu’il est assez rare d’entendre des TDS décrit.e.s de cette manière car il y a une sensibilité dans certains milieux de lutte contre la traite à ne pas le faire et à être un peu plus respectueux.

Oui, c’est en cours. Nous avons fait une recommandation au Comité CEDAW qui l’a reprise et l’a renvoyée à notre gouvernement et nous nous en servons comme un levier pour obtenir des mesures concrètes. Nous avons obtenu des appuis pour que cette loi soit modifiée en fonction de cette recommandation. Et nous avons été très encouragé.e.s de voir le nombre d’organisations différentes qui, en quelques semaines, ont signé en soutien à notre appel. Nous espérons qu’un membre du Parlement qui nous a approché et qui a discuté de la possibilité de parrainer un projet de loi sera suffisamment furieux et passionné pour le faire car il s’agit d’une injustice flagrante qui peine à se résorber, non seulement du côté des lois qui régissent le travail du sexe, mais également des lois de notre pays dans son ensemble. Je veux dire que ce n’est pas une partie de la loi qui devrait être tolérée. Elle est hostile et raciste et devrait vraiment être abrogée complètement.

Je ne suis pas certaine, nous nous sommes battues avec acharnement tout au long du processus et il y avait tellement d’enjeux à défendre que, dans ce contexte, les choses ont évolué assez rapidement en fin de compte et je ne sais pas ce que nous aurions pu faire différemment. Certain.e.s disent que nous aurions dû retirer notre soutien, mais je ne pense pas que nous y ayons pensé. Nous voulions nous battre pour obtenir ce que nous pouvions obtenir, donc si nous étions de retour à cette époque, avec les connaissances que nous avons aujourd’hui, nous aurions peut-être eu beaucoup de preuves (ce qui est le cas aujourd’hui, nous avons beaucoup de recherches qui démontrent explicitement le préjudice causé aux communautés des TDS migrant.e.s lorsqu’exposé.e.s à la criminalisation) mais nous n’avions pas cela. Nous savions simplement que le travail du sexe devrait être décriminalisé, que les droits des TDS dans leur ensemble devraient être respectés, et que les personnes devraient avoir le droit de faire entendre leur voix s’iels sont dans une position où iels sont lésé.e.s. Et oui, c’est une bataille permanente; il y a la stigmatisation, la discrimination. Nous le savions, nous savions que nous voulions aborder cela aussi. Mais nous ne pouvions pas dans le contexte du projet de loi d’initiative parlementaire à l’époque parce que cela aurait impliqué un autre projet  de loi dans la Loi sur les droits de la personne et nous ne savions pas vraiment comment le faire. Il y a donc beaucoup de choses que nous savons maintenant que nous aurions pu faire, mais que nous ne connaissions pas à l’époque.

Jesse : Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ou dire ?

Dame Catherine Healy : Je pense que l’amélioration de la représentation des TDS migrant.e.s au niveau international est vraiment importante. Les TDS voyagent et travaillent partout, tout comme les autres professions, et c’est donc formidable de travailler sur ce droit fondamental qu’est la liberté de voyager.

1. Aotearoa – Le nom Te Reo Māori de la Nouvelle-Zélande, traduit par « pays du long nuage blanc ».

2. Le rapport de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women en anglais) peut-être trouvé ici: http://www.nswp.org/resource/member-publications/new-zealand-cedaw-shadow-report