Discours de Maxime Holliday et Melina May

dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux TDS le 17 décembre​

MAXIME

Bonsoir à toustes et merci de vous être déplacées pour être avec nous. En cette journée internationale contre les violences faites aux travailleuses du sexe, nous prenons la parole pour rendre hommage aux collègues que nous avons perdues et pour réaffirmer encore une fois l’importance de rendre visibles nos réalités et les luttes que nous menons.

Nous sommes rassemblées ce soir pour nous unir en solidarité contre la violence faite aux travailleuses du sexe. Cette violence, elle se retrouve à tellement de niveaux et laisse des marques visibles et invisibles. Cette violence nous laisse vulnérables et en colère. Quel est notre véritable pouvoir d’action dans un système qui ne nous protège pas, pire qui nous fait violence et nous vulnérabilise encore plus.

 

Photo de Clémence Lesné

Ne pas avoir accès à des droits du travail, c’est fucking violent. Je pense à la fois où je travaillais en salon, et qu’un client n’avait pas l’argent pour me payer et que j’ai dû me résoudre à me considérer volée et violée en le laissant partir, parce qu’il n’avait rien de valeur sur lui à prendre en garantie de retour et que ma boss et la réceptionnistes avaient trop la chienne des répercussions pour que je puisse appeler la police. Police qui de toute manière n’aurait concrètement rien pu faire pour moi voir même qui aurait eu le pouvoir d’empirer ma situation. Cette fois-là, c’est ma collègue et amie Mélina que j’ai appelée en pleurant pour qu’elle me donne la force de me relever. No justice, no peace. Je pense à la fois où je travaillais en strip club et qu’un client voulait partir sans payer ma collègue et qu’en m’interposant moi-même entre lui et la porte de sortie, parce que le bouncer n’en avait finalement rien à chier et que la police avait choisit de ne pas intervenir, je me suis blessée de manière permanente au genou. No justice, no peace. Je pense à l’hypocrisie misogyne de nos sociétés qui conditionne le monde, nos ami.e.s, nos parents à nous juger, à nous mépriser et à nous craindre au point de nous attaquer verbalement, de nous renier. Je pense à nos collègues trans, à nos collègues non blanches, à nos collègues en situation de handicap, qui vivent des situations de discrimination et de violence accentuées et tellement innaceptables. No justice, no peace.

Nous sommes rassemblé.e.s ce soir pour nous unir en solidarité contre la violence faite aux travailleuses du sexe. Cette violence elle se retrouve à tellement de niveaux et laisse des marques visibles et invisibles. Cette violence nous laisse vulnérables et en colère. Quel est notre véritable pouvoir d’action dans un système qui ne nous protège pas, pire qui nous fait violence et nous vulnérabilise encore plus.

Alors que nous voyons nos décideurs politiques actuels choisir de prendre des décisions relatives aux bien être de toustes sans consulter les principales communauté concernées – je pense ici au fameux comité de sages (wtf) dans lequel aucune personnes de la diversité sexuelle et de genre n’a été convié – il est plus important que jamais d’amplifier notre parole et de nous défendre, de stand up for ourselves. Rien pour nous sans nous. C’est un travail de longue haleine et qui en vaut la peine. Aux allié.e.s, n’ayez pas honte et n’ayez pas peur de diffuser nos messages et de les défendre. Informez-vous et responsabilisez-vous comme vous le pouvez. Restez prudent.e.s de ne pas instrumentaliser nos luttes mais n’hésitez jamais à parler. Il s’agit d’une question de vie, de mort, d’une question de dignité humaine. Soyons fortes et unies dans notre résistance.

They say criminalize, we say organize.
La décriminalisation sauve des vies, decrim now !

Photo de Clémence Lesné

MELINA

Depuis la première rencontre du CATS en novembre 2019, quelques fois par mois, je rencontre mes collègues qui sont devenu.e.s de très bonnes ami.e.s. Nous sommes souvent isolé.e.s dans nos milieux de travail, et c’est dans la lutte que j’ai trouvé une communauté constituée de ces personnes pour qui j’ai une grande admiration. Elles sont parmi nous ce soir. Elles sont créatives, attachantes et solidaires.

Aujourd’hui, en ce jour de recueillement et de mémoire, j’ai envie que l’on souligne la résilience des TDS qui luttent quotidiennement. Célébrons la résistance de celles et ceux qui mettent en place des stratégies pour nous protéger dans nos milieux de travail. Honorons les TDS qui luttent pour de meilleures conditions de travail, en discutant avec leurs collègues, qui dénoncent l’insalubrité sur leur milieu de travail, qui réfléchissent ensemble à des moyens d’avoir des droits dans un système qui nous pousse aux marges. Célébrons les TDS qui prennent soin l’une de l’autre, qui mettent en place des groupes de soutien et d’auto-défense, qui gardent les enfants de leur collègue pendant qu’elle travaille, qui créent des occasions pour se rassembler et s’unir autour d’un repas. Dans un système qui veut nous effacer, notre résistance face à notre stigmatisation et notre criminalisation est essentielle, mais elle ne restera pas invisible. En cette journée internationale contre les violences faites aux TDS, nous soulignons la force de nos communautés.

Soyons courageuses ensemble, soyons unies dans notre rage.

Le CATS, c’est un comité qui milite pour la reconnaissance de notre travail. Nous nous regroupons pour discuter de nos mauvaises journées au travail, des lectures qui nous ont nourri, mais c’est avant tout un lieu de réflexion militante. On ne s’entend pas toujours sur les moyens d’action et les décisions à prendre pour faire avancer la lutte et c’est bien comme ça !

C’est dans la diversité et la créativité que nous pousserons nos demandes et que nous obtiendrons la décriminalisation du travail du sexe. Et celle-ci ne sera qu’une étape parmi toutes celles à franchir avant la libération de tous et toutes.

Contre la prison, contre les frontières, contre la police, soyons solidaires, résistons ensemble à toutes les formes de criminalisation !

Photo de Clémence Lesné

Nous avons quelques copies du magazine du CATS. Nous avons fait 3 éditions et sommes actuellement en train de travailler sur la 4e édition qui sortira bientôt en janvier. Les journaux de notre collègue Jesse, décédée il y a un an, seront publiés. Cette année, nous soulignons encore sa mémoire. Jesse n’avait pas peur de prendre la parole pour défendre les TDS. Pour elle, obtenir des gains signifiait être politique, s’organiser entre nous. En son honneur et à toutes celles et ceux qu’on a perdu.e.s, je nous invite à continuer la lutte sans répit, avec courage et amour !

Jesse Dekel au micro lors d'une action du CATS le 1er mai 2021

REST IN POWER JESSE!