Le Comité autonome du travail du sexe (CATS) s’oppose fermement à la motion proposée par le Parti Québécois et adoptée en Assemblée nationale le 4 décembre dernier, qui demande au gouvernement «de cesser tout financement public d’organismes qui encouragent des formes d’exploitation sexuelle des mineurs». Cette motion vise clairement le Projet d’intervention auprès des mineur.es prostitué.es (PIaMP), un organisme communautaire qui travaille auprès des jeunes de 12 à 25 ans qui échangent des services sexuels.1 C’est un cas classique : les gens au pouvoir utilisent des mots choquants et complètement déconnectés de la réalité pour justifier leurs agendas oppressifs.
Nous dénonçons cette motion qui menace la survie de l’organisme et de ses services et, plus largement, la pérénité du soutien communautaire aux travailleuse.rs du sexe (TDS) et aux communautés marginalisées. Couper la majeure partie du financement du PIaMP signifie vulnérabiliser davantage les TDS et les jeunes, en les privant d’un milieu où iels sont accueilli.es, trouvent une écoute sécuritaire et une aide auprès des intervenant.es pour répondre à leurs besoins essentiels.
Plus encore, c’est une attaque à l’approche de réduction des risques que défend le PIaMP, au profit d’une approche carcérale. Car l’autre alternative pour les jeunes qui échangent des services sexuels, c’est l’enfermement dans les centres jeunesse, parfois dans des ailes sécurisées pour les jeunes qui fuguent à répétition, ou bien vivre dans la peur des autorités, sans accès à des ressources adaptées.
À l’heure où les personnes itinérantes sont chassées de leurs campements, où la Maison Benoît Labre est semée de déménager et où on menace les utilisateur.ices de drogues de désintoxications forcées, cette motion va dans le sens d’une carcéralisation de nos communautés.
Alors que l’intégrité des jeunes trans et queer est menacée par des politiques transphobes partout au Canada, plusieurs se tournent vers le travail du sexe à cause de la transphobie ambiante. Dans ce contexte, couper dans les ressources communautaires, qui sont parfois leur dernier recours face à des systèmes qui souhaitent les effacer, envoie un message clair: les jeunes TDS, queer, en situation d’itinérance et en marge ne valent pas la peine qu’on les soutiennent. Aussi, rappelons que ce sont les mêmes fémo-nationalistes associées au Parti Québécois qui dénigrent les femmes trans, les TDS et les femmes portant le voile, en brandissant l’épouvantail de la laïcité et de la moralité.
Que ce soit clair: nous ne nions pas que les TDS mineur.e.s, subissent de l’exploitation; leur capacité à consentir n’est pas comparable à celle des TDS majeur.e.s. Nous reconnaissons que tout.e.s les TDS peuvent potentiellement subir des violences et des formes d’exploitation, mais nous sommes convaincu.es que ce n’est ni par la criminalisation, ni par la dissolution des ressources communautaires essentielles que les violences seront révolues! Seulement l’organisation de nos communautés, la reconnaissance de notre agentivité et de meilleures conditions de travail peuvent réellement lutter contre l’exploitation!
Écoutez nos voix !
Témoignages de la communauté
« Sans le PIaMP qui m’apportait de leur banque alimentaire directement chez moi ainsi qu’à leur multiples ressources disponibles, je serais mort à 23-24 ans, aux prises avec la plus grosse dépression de ma vie, en pleine pandémie. Je n’aurais jamais écrit mon livre ni gagné les prix qui y sont associés. Je suis terrifié à l’idée que des gens dans la même situation que celle dans laquelle j’étais (majeurs ou mineurs) ne puissent accéder à ce support et cette aide qui n’est malheureusement pas accessible, vu les coupures multiples, autant dans les milieux de la santé que dans le communautaire. Faites mieux.» Gina Flash
« Le PIaMP a été le premier organisme œuvrant auprès des TDS que j’ai trouvé quand j’ai déménagé à Montréal. J’ai pu accéder à leurs ressources lorsque j’ai commencé à faire du travail du sexe en ligne pour me renseigner sur le sugaring. J’ai été découragée de poursuivre dans cette voie à cause de ce que j’ai appris dans leur guide sur le sugaring VS ce que je voyais en général sur Internet à ce sujet. J’ai beaucoup appris grâce aux ressources gratuites qu’iels ont sur leur site.» Nova
« En novembre 2022, j’ai participé à une consultation de groupe au PIaMP, avec d’autres jeunes de 14 ans à 24 ans. Justement, la conversation portait sur le le fait que la majorité des échanges de services sexuels sont catégorisés comme de l’exploitation sexuelle et des impacts que ça peut avoir sur nos vies. J’y ai rencontré un jeune queer de 14 ans qui était 100% conscient qu’il vivait de l’exploitation et il était déjà placé en centre jeunesse. Ça lui faisait du bien d’aller au PIaMP pour avoir du support indisponible ailleurs, auprès de gens qui comprennent sa situation sans l’encourager pour autant. Laissez-nous nos espaces, laissez-nous survivre! » Céleste Ivy