On ne laisse personne derrière: la bataille pour décriminaliser le travail du sexe des migrant.e.s en Nouvelle-Zélande

On ne laisse personne derrière: la bataille pour décriminaliser le travail du sexe des migrant.e.s en Nouvelle-Zélande

PAR JESSE DEKEL

Traduction par Melina May et Adore Goldman

En 2003, la réforme de la Loi sur la prostitution est passée, venant décriminaliser le travail du sexe pour les citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s et pour les résident.e.s permanent.e.s. Par contre, la décriminalisation ne s’est pas étendue aux travailleuse.eur.s du sexe (TDS) migrant.e.s. En résulta deux décennies d’exploitation, de coercicion et de criminalisation pour les migrant.e.s qui choisissent de faire du travail du sexe en Nouvelle-Zélande, parce qu’iels ne peuvent pas accéder aux mêmes droits du travail que les autres TDS. Cette année, une pétition parlementaire a été lancée par la TDS et organisatrice Pandora Black dans le but d’abroger la Section 19 de réforme sur la Loi sur la prostitution de 2003 et d’applique aux TDS migrant.e.s qui ont un visa, les même droits du travail et les mêmes protections auxquels les citoyen.ne.s et résident.e.s permanent.e.s ont accès. Je me suis entretenue avec Dame Catherine Healy, fondatrice du New Zealand Prostitutes Collective (NZPC), à propos des lois actuelles et de comment elles ont été mises en place, ainsi que de l’organisation des TDS autour de cet enjeu en Aotearoa1. Catherine Healy est aussi une militante pour les droits des TDS, une chercheuse de terrain et une ancienne TDS. Voici ce qu’elle avait à dire.

Jesse: La réforme de la Loi sur la prostitution de 2003 a décriminalisé le travail du sexe pour les citoyen.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s, mais pas pour les TDS migrant.e.s. Comment sont traité.e.s les migrant.e.s sous l’actuelle réforme de la Loi sur la prostitution?

Dame Catherine Healy: Je veux d’abord dire que nous étions absolument dévasté.e.s quand cette clause a été mise comme condition à la décriminalisation. Elle a été ajoutée à la dernière minute par l’ancienne ministre de l’immigration Lianne Dalziel qui faisait du lobby pour les militant.e.s anti-trafic. Elle a rendu son support conditionnel au fait que les migrant.e.s ne seraient pas capables d’entrer au pays avec l’intention de devenir TDS, et cela ne faisait pas de sens pour nous. Et conséquemment, tout ce que vous pouvez imaginer qui aurait pu arriver en terme de criminalisation du travail du sexe arriva et est toujours d’actualité. Les TDS migrantes sont parfois ciblées parce qu’il est de notoriété publique qu’elles travaillent en brisant les lois sur le travail du sexe en terme d’immigration et par le fait même, forcées de travailler dans la criminalité.

Aussi, les autorités les recherchent sous prétexte qu’elles veulent voir si des TDS migrantes sont victimes de trafic, et cela est vraiment terrifiant. Les agent.e.s d’immigration se rendent sur les lieux de travail plusieurs à la fois, et j’ai entendu une histoire où jusqu’à 20 agent.e.s entouraient un certain bordel pour voir s’il y avait des TDS trafiqué.e.s dedans. C’est extrêmement effrayant pour les gens dans cette situation qui ont décidé de devenir TDS et qui ont le droit de travailler dans n’importe quelle autre industrie dans ce pays, excepté le travail du sexe. Donc, c’est une grave préoccupation. Et bien sûr, si vous êtes déporté.e.s, on vous remet un « avis de responsabilité de déportation » qui documente le fait que vous étiez TDS dans ce pays en lien avec une infraction, ce qui est incroyablement stigmatisant pour les personnes qui ont été déportées dans leur pays d’origine où fréquemment, il n’y a pas de support pour le travail du sexe.

Alors, la loi est que si vous venez dans ce pays avec l’intention de devenir TDS et que vous demandez un visa de travail, vous ne pouvez pas être TDS. Cela fait beaucoup de dommage. Et nous avons vu des TDS qui ont été agressé.e.s et qui ont eu peur de dénoncer ces agressions à la police. Nous avons vu des employé.e.s d’hôpitaux nous contacter en disant: « Écoutez, nous avons quelqu’un ici qui a besoin de support » et nous découvrons que cette personne est une TDS migrante qui a été battue, volée ou pire. Et ce sont les conséquences directes de la loi qui continue de les criminaliser puisqu’elles sont directement exposées aux risques auxquels elles ne devraient pas être exposées à cause de la loi.

Jesse: Comment travailler comme un.e TDS migrant.e en Nouvelle-Zélande a changé depuis la réforme de la Loi sur la postitution?

Dame Catherine Healy: Avant la réforme de la Loi sur la prostitution de 2003, les TDS qui étaient arrêté.e.s n’étaient pas des TDS migrant.e.s, elles étaient des citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s. Alors, nous avions cette expérience à travers nos différentes communautés d’être arrêté.e.s et emmené.e.s à la cour. La loi d’avant n’impactait pas autant les TDS migrant.e.s qu’elle le fait maintenant. Iels sont exposé.e.s à être dénoncé.e.s à l’immigration lors de recherches de supposées victimes de trafic.

Jesse: Oui, les lois anti-trafic sont imprégnées des réformes racistes, et c’est la même chose partout dans le monde. Je pensais à ça plutôt cette année quand, au Royaume-Uni, le parlement considérait passer une loi sur l’exploitation sexuelle, et toutes ces ONG libérales qui sont financées par des millionnaires et complices du complexe militaro-industriel et qui, en fait, participent à ces actes odieux contre le supposé « trafic sexuel » alors qu’ils sont eux-même impliqués dans ces atrocités. C’est très hypocrite et dégoûtant.

Dame Catherine Healy: Ce l’est. Je pense que c’est exactement cela. Vous avez ce mouvement de gens qui sont sérieux à propos des droits du travail, et iels sont attaqué.e.s dans ces réformes de ce point de vue. La terminologie « esclavage moderne » est devenue l’épine dorsale du discours anti-trafic. Il y a un groupe assez éclectique de gens qui ont des intérêts pour l’amélioration des conditions de travail qui ont été attirés dans ces discussions, mais nous devons être prudent.e.s de développer des lois dans lesquelles des termes ambiguës comme « exploitation » sont définis prudemment pour ne pas causer plus de tort.

C’est notre lot dans ce pays que les gens s’inquiètent des droits, de la sécurité, de la santé et du bien-être des TDS, qu’il n’y ait pas de lois qui vont contribuer davantage à faire du dommage. Nous devons obtenir des actions politiques pour abroger la loi qui cause du tort aux migrant.e.s dans ce pays. Nous avons attendu depuis 2003 pour une balance au parlement où nous pensions que nous pourrions obtenir assez de support pour voir l’abrogation de cette loi, mais nous sentons tout de même que le support politique sera très dur à construire, il s’agit donc d’une véritable lutte pour comprendre comment les choses pourraient s’améliorer de façon spectaculaire avec l’instauration de bons droits du travail et de bons droits en matière d’immigration pour les TDS migrant.e.s.

Jesse : Quel est le discours du gouvernement pour décriminaliser le travail du  sexe pour les citoyen.ne.s néo-zélandais.e.s et les résident.e.s permanent.e.s, mais toujours pas pour les TDS migrant.e.s ? Comment répondez-vous à cela ?

Dame Catherine Healy : À l’époque, en 2003, lorsque le vote a eu lieu, 120 politicien.ne.s ont exercé leur vote et un politicien s’est abstenu. Il s’est senti tellement en conflit qu’il n’a pas su voter pour ou contre et donc, la loi a été adoptée à une voix près, mais c’était un projet de loi très contesté. Il n’a pas été promu par le gouvernement de l’époque, car c’est un seul député qui l’a soumis en tant que projet de loi d’initiative parlementaire et qui a été soutenu par la première ministre Helen Clark. Certains membres de son propre gouvernement et de son parti se sont opposés au projet de loi, tandis que d’autres membres des partis d’opposition l’ont soutenu (le Parti Vert, par exemple, l’a entièrement appuyé) et nous pensons qu’ils soutiendraient également aujourd’hui l’abrogation totale de la législation sur les migrant.e.s. Le gouvernement a également pensé à intégrer un code moral dans la législation : il a déclaré que s’il soutenait la décriminalisation de la prostitution, il ne l’approuvait pas moralement. Il y avait donc une attitude selon laquelle la législation ne convenait pas tout à fait au gouvernement et je pense qu’une partie de la logique de la formulation particulière utilisée était liée au fait que le gouvernement ne voulait pas être un jour dans la position d’être accusé de contraindre les gens à travailler dans l’industrie du sexe. Par exemple, certaines personnes demandent pourquoi Travail et Revenu (qui est notre grande agence gouvernementale d’aide sociale et qui fait partie du Ministère du Développement Social) ne peut pas promouvoir le fait que les maisons closes ont des emplois pour les TDS ? Le gouvernement prétend qu’il ne l’autorise pas, car il pourrait être accusé de dire « Débarrassez-vous de votre allocation de demandeur d’emploi et allez travailler dans un bordel », ce qui le compromettrait d’un point de vue moral.

Je pense donc que le fait que les TDS sont placé.e.s au coeur de la législation prouve que les objectifs de la loi sont de protéger les droits humains des TDS, etc. et c’est une bonne chose. Mais nous avons eu beaucoup à faire dans la rédaction de la législation et nous n’avons pu tout contrôler car elle est entrée dans l’environnement politique et a été tirée dans tellement de directions différentes par les débats qui ont eu lieu dans ce contexte, y compris le débat sur lequel les politiciens ont dû voter au sein de la commission plénière du Parlement. Et c’est là que beaucoup de changements se sont produits. Nous ne pouvions pas contrôler le fait que la clause anti-migrant.e.s ait été introduite; nous pouvions dire que nous n’étions pas d’accord avec elle, mais ultimement nous ne pouvions pas la contrôler une fois qu’elle était dans ce contexte. Donc oui, je pense que tout en se battant pour la loi en ce qui a trait aux TDS, il y aura toujours quelque chose à l’horizon. C’est un long, long processus et nous pouvons faire des choix, mais il sera toujours difficile d’obtenir exactement ce que l’on veut. Certaines personnes vont tenir bon jusqu’à ce qu’elles obtiennent exactement ce qu’elles veulent, mais nous avons choisi de ne pas le faire. Nous avons choisi de faire avec ce que nous pouvions obtenir et d’embarquer le plus de personnes avec nous.

Je ne peux pas parler pour le gouvernement dans son ensemble, mais je sais qu’il y a encore des gens au sein de notre gouvernement qui croient vraiment qu’une partie de la législation anti-migrant.e.s a permis de réduire le potentiel de traite des personnes. Je ne comprends pas comment iels peuvent croire cela, sachant que les preuves ne le démontrent pas du tout, et que les preuves montrent en fait l’inverse. Elles montrent que la législation existante, qui est anti-migrant.e.s, crée un environnement où les migrant.e.s peuvent être exploité.e.s, sont effectivement ciblé.e.s et sont les victimes de crimes horribles en raison de cette vulnérabilité. Parce qu’iels ne sont pas en mesure de travailler ici avec le soutien légal dont bénéficient tou.te.s les autres TDS. C’est vraiment difficile. Les gens se creusent la tête et se forgent des opinions et je pense que parfois, ils ne voient pas le portrait global des problèmes qui touchent les TDS. Il y a cette impression que les migrant.e.s sont à part d’une certaine manière, qu’iels ne sont particulièrement pas capables de faire des choix. Je pense qu’il y a un sous-entendu raciste en ce qui concerne notre plus grande population de migrant.e.s venant des pays d’Asie du Sud-Est, où la perception semble être qu’iels sont victimes de gangs ou qu’iels sont trafiqué.e.s contre leur gré autour du monde. L’idée qu’il s’agit en fait de personnes qui décident elles-mêmes de venir s’installer ici, et qui prennent également certaines décisions en fonction de leur situation, selon la façon dont elles naviguent dans différents systèmes et dont elles se déplacent dans le monde, est un concept étranger à bon nombre de lobbyistes qui sont déterminés à concevoir ces migrant.e.s comme des victimes de la traite et des personnes vulnérables.

Jesse : Le NZPC existe depuis les années 1980. Comment les organisations de TDS ont-elles abordé les questions relatives aux TDS migrant.e.s ? Comment créez-vous des alliances avec le mouvement plus large pour les droits des personnes migrantes ?

Dame Catherine Healy : Pour revenir sur notre histoire, je pense que nous avons commencé en 1987, mais en 1988, nous avons eu une entente de financement avec le gouvernement et, par coïncidence, c’est à ce moment-là que beaucoup de TDS en provenance des pays d’Asie du Sud-Est sont venu.e.s travailler en Nouvelle-Zélande. Les billets d’avion étaient devenus moins chers, et il y avait beaucoup de façons de migrer. Auckland, par exemple, est devenue une grande ville où je pense qu’un cinquième de la population est composé de personnes qui s’identifient comme venant de ce groupe de pays d’Asie du Sud-Est, et qui y construisent inévitablement des alliances, à l’instar de ce qui se passe dans des sociétés plus larges. Il n’est donc pas acceptable de penser qu’il n’existe qu’une seule et unique réponse, il faut construire des alliances et travailler ensemble.

Pour nous, à l’époque, nous mettions en place des cliniques au sein de nos bases communautaires et nous travaillions en étroite collaboration avec l’équipe de santé sexuelle qui a établi un service de proximité avec nous afin que nous puissions fournir des services de proximité culturellement appropriés et dirigés par des personnes ayant une expérience du travail du sexe en Thaïlande. Pareillement, des cliniques ont été mises en place spécifiquement pour les TDS de Thaïlande et ce fut également le cas plus tard pour les TDS venant de Chine et de différents pays de cette région.

Et oui, je pense qu’il faut construire des alliances. Nous avons un projet d’information sur l’éducation des migrant.e.s avec une travailleuse qui est impliquée dans ce projet  qui est issue de ces communautés et qui peut atteindre ces populations et leur fournir du soutien. Je pense qu’il y a certainement d’autres problèmes qui affectent les migrant.e.s, par exemple, le travail sous contrat en tant qu’entrepreneur indépendant si vous êtes un.e étudiant.e et que vous venez étudier dans ce pays. Si vous êtes un.e étudiant.e international.e, il n’est donc pas possible d’être un.e entrepreneur.e indépendant.e, tel que sont considéré.e.s les TDS, et il y a donc une pression [mise sur le gouvernement] pour permettre aux personnes d’être des entrepreneur.e.s indépendant.e.s. En tant qu’étudiant.e, vous pouvez travailler 20 heures par semaine si vous êtes un.e migrant.e ou un étudiant.e international.e, mais certaines personnes diraient « Ok, c’est très difficile de travailler en tant qu’employé » et préfèrent être des entrepreneur.e.s indépendant.e.s, donc je pense qu’il est important de soutenir les mouvements qui touchent d’autres populations.

Nous avons travaillé sur différents enjeux. Par exemple, le processus que nous avons suivi avec d’autres organisations autour du rapport non gouvernemental sur la CEDAW2, nous avons travaillé avec Shakti qui représente les personnes migrantes dans un contexte plus large. Lorsque nous avons fait la présentation à l’ONU, Shakti a transmis notre message sur les TDS et nous a soutenus sur ce point. Il y a donc toutes sortes de façons de se connecter à d’autres organisations, de rechercher des thèmes et des préoccupations communes et de se soutenir mutuellement. Il y a de grandes organisations comme le Conseil national des femmes de Nouvelle-Zélande, par exemple, qui fournit un large soutien. Il y a également des regroupements et de nombreuses façons de se soutenir entre organisations qui partagent les mêmes idées, qui sont en mesure de nous soutenir, ou à qui nous pouvons apporter du soutien.

Jesse : Comment ces questions ont-elles évolué depuis la réforme de Loi de la prostitution de 2003 ?

Dame Catherine Healy : Je pense que nous sommes devenus plus conscient.e.s des vulnérabilités dans ces contextes, et que désormais les personnes sont plus intolérantes et plus impatientes que les communautés migrantes aient de meilleurs droits et de meilleures conditions. Paradoxalement, je pense qu’une partie du discours contre la traite des personnes a vraiment mis en lumière plusieurs des conditions de travail épouvantables qui se produisent dans ces contextes. Et c’est une bonne chose.

Jesse : Au Canada, les TDS poursuivent actuellement le gouvernement pour abroger la Loi sur la protection des communautés et des personnes exploitées, la loi qui a criminalisé le travail du sexe au Canada, adoptée en 2015. Toutefois, si cette contestation judiciaire est gagnée, les TDS migrant.e.s ne seront toujours pas en mesure de travailler légalement au Canada. Avant la réforme de la Loi sur la prostitution de 2003, la question du travail du sexe et de la migration était-elle abordée ? Avec le recul, y a-t-il des choses que vous auriez souhaité faire différemment ?

Dame Catherine Healy : Je pense, oui. Pour nous, le processus parlementaire et le fait de voir un projet de loi entrer au parlement et en ressortir avec trois débats intenses puis, être voté en tant que loi avec beaucoup de soutien était un nouvel environnement. Il est donc difficile, rétrospectivement, de dire si nous aurions dû agir différemment. Nous nous sommes fait entendre à l’époque, mais nous étions aussi très reconnaissant.e.s d’obtenir un quelconque changement et, comme je l’ai dit, ce n’était pas la communauté migrante qui était alors touchée aussi durement que la population maorie et les TDS qui travaillent dans la rue en particulier. Alors oui, peut-être aurions-nous dû dire: « Non, nous ne pouvons pas aller de l’avant », mais je pense que nous aurions été perdantes dans les deux cas. C’était une décision très difficile que nous n’avions pas l’impression de pouvoir prendre, car nous avions le sentiment que cela échappait à notre contrôle, c’était dans la sphère parlementaire.

Je pense qu’en ce qui concerne les questions liées aux TDS migrant.e.s, une partie du discours qui circulait à l’époque, et qui circule encore, concernait la traite des personnes et les « esclaves sexuelles », et cette façon offensante de décrire une population de TDS qui migrent pour diverses raisons pour travailler dans d’autres pays. Heureusement, je pense, du moins dans ce pays, qu’il est assez rare d’entendre des TDS décrit.e.s de cette manière car il y a une sensibilité dans certains milieux de lutte contre la traite à ne pas le faire et à être un peu plus respectueux.

Oui, c’est en cours. Nous avons fait une recommandation au Comité CEDAW qui l’a reprise et l’a renvoyée à notre gouvernement et nous nous en servons comme un levier pour obtenir des mesures concrètes. Nous avons obtenu des appuis pour que cette loi soit modifiée en fonction de cette recommandation. Et nous avons été très encouragé.e.s de voir le nombre d’organisations différentes qui, en quelques semaines, ont signé en soutien à notre appel. Nous espérons qu’un membre du Parlement qui nous a approché et qui a discuté de la possibilité de parrainer un projet de loi sera suffisamment furieux et passionné pour le faire car il s’agit d’une injustice flagrante qui peine à se résorber, non seulement du côté des lois qui régissent le travail du sexe, mais également des lois de notre pays dans son ensemble. Je veux dire que ce n’est pas une partie de la loi qui devrait être tolérée. Elle est hostile et raciste et devrait vraiment être abrogée complètement.

Je ne suis pas certaine, nous nous sommes battues avec acharnement tout au long du processus et il y avait tellement d’enjeux à défendre que, dans ce contexte, les choses ont évolué assez rapidement en fin de compte et je ne sais pas ce que nous aurions pu faire différemment. Certain.e.s disent que nous aurions dû retirer notre soutien, mais je ne pense pas que nous y ayons pensé. Nous voulions nous battre pour obtenir ce que nous pouvions obtenir, donc si nous étions de retour à cette époque, avec les connaissances que nous avons aujourd’hui, nous aurions peut-être eu beaucoup de preuves (ce qui est le cas aujourd’hui, nous avons beaucoup de recherches qui démontrent explicitement le préjudice causé aux communautés des TDS migrant.e.s lorsqu’exposé.e.s à la criminalisation) mais nous n’avions pas cela. Nous savions simplement que le travail du sexe devrait être décriminalisé, que les droits des TDS dans leur ensemble devraient être respectés, et que les personnes devraient avoir le droit de faire entendre leur voix s’iels sont dans une position où iels sont lésé.e.s. Et oui, c’est une bataille permanente; il y a la stigmatisation, la discrimination. Nous le savions, nous savions que nous voulions aborder cela aussi. Mais nous ne pouvions pas dans le contexte du projet de loi d’initiative parlementaire à l’époque parce que cela aurait impliqué un autre projet  de loi dans la Loi sur les droits de la personne et nous ne savions pas vraiment comment le faire. Il y a donc beaucoup de choses que nous savons maintenant que nous aurions pu faire, mais que nous ne connaissions pas à l’époque.

Jesse : Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ou dire ?

Dame Catherine Healy : Je pense que l’amélioration de la représentation des TDS migrant.e.s au niveau international est vraiment importante. Les TDS voyagent et travaillent partout, tout comme les autres professions, et c’est donc formidable de travailler sur ce droit fondamental qu’est la liberté de voyager.

1. Aotearoa – Le nom Te Reo Māori de la Nouvelle-Zélande, traduit par « pays du long nuage blanc ».

2. Le rapport de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women en anglais) peut-être trouvé ici: http://www.nswp.org/resource/member-publications/new-zealand-cedaw-shadow-report

Putes contre les prisons : ce que l’abolitionnisme pénal peut apporter au mouvement des travailleuses du sexe

Putes contre les prisons : ce que l’abolitionnisme pénal peut apporter au mouvement des travailleuses du sexe

par adore goldman et melina may

«Si le travail du sexe était décriminalisé, nous pourrions plus facilement dénoncer les violences que nous vivons!»; «La criminalisation fait en sorte que les travailleus.eur.s du sexe (TDS) ne peuvent pas aller à la police!»; «Il existe déjà des lois pour criminaliser les violences que nous vivons sans reposer sur la criminalisation du travail du sexe

Ces phrases se retrouvent souvent dans la bouche des activistes qui militent pour la décriminalisation du travail du sexe. C’est qu’il faut convaincre nos adversaires du bien fondé de nos revendications et que nous avons à cœur la sécurité des femmes. Pourtant, on sait bien que ce ne sont que des demi-vérités; que même avec la décriminalisation, bien des TDS ne pourront jamais aller voir la police parce qu’elles sont à l’intersection d’autres oppressions; parce que la réponse des institutions judiciaires est souvent insatisfaisante en matière de violence sexuelle et genrée; parce que l’État trouvera toujours d’autres outils pour nous criminaliser et nous stigmatiser, surtout les plus précaires d’entre nous.

Alors que des théoriciennes noires comme Angela Davis remmettent en question le rôle du système pénal dans les cas de violences faites aux femmes depuis des décennies, le mouvement féministe blanc et mainstream commence à peine à se poser ces questions. Dans le cas du travail du sexe, nous considérons que ces questionnements pourraient apporter des réflexions fructueuses et importantes pour la lutte contre les violences faites aux TDS et plus largement aux femmes. Qui plus est, la criminalisation du travail du sexe repose depuis toujours sur des présupposés racistes et un effort à contrôler la migration des femmes racisées.

Face à des cas de violences, plusieurs choisiront de porter plainte à la police et de recourir au système judiciaire parce que c’est le seul moyen d’assurer leur sécurité. Nous ne posons aucun jugement sur ces situations individuelles. Nous pensons que le recours au système pénal n’est jamais un échec individuel. En revanche, nous pensons qu’il s’agit d’un échec collectif quand l’emprisonnement et la punition constituent les seules réponses à la violence. 

Les théories qui entourent l’abolition de la prison et plus largement, du système pénal dans son entièreté, peuvent servir à penser la décriminalisation de notre travail en tenant compte des besoins et des réalités plurielles qui traversent nos histoires en tant que TDS, au travail comme ailleurs.

Brève histoire politique des abolitionnismes

L’abolitionnisme pénal regroupe différentes analyses théoriques inspirées par une vaste pratique militante. Gwenola Ricordeau, chercheuse des critiques féministes contemporaines du système pénal, décline l’abolition en trois  champs : le crime, la peine et la prison.1 Elle présente le crime comme une réalité sociale, construite par l’État et définie par le Code criminel dont l’évolution historique et politique reflète les mentalités de l’époque. La peine consiste en l’ensemble des moyens pris par l’État pour punir et sanctionner une personne jugée criminelle, allant du ticketing à l’emprisonnement. Dans ses travaux, Ricordeau propose de questionner les catégories pénales telles qu’elles sont imposées par l’État qui, selon elle, détournent notre attention des pires préjudices perpétrés par les plus puissants et majoritairement liés aux rapports de domination et d’inégalités structurelles; pensons à la suprématie blanche, à la destruction de l’environnement, et aux crimes d’État.

Plusieurs activistes et écrivain.e.s font l’analyse du continuum entre le système esclavagiste et la prison contemporaine. Robyn Maynard, féministe noire et activiste canadienne pour l’abolition du système pénal, nous rappelle le rôle important des esclaves dans l’abolition officielle de l’institution de l’esclavage et aujourd’hui, celui des activistes dans la lutte contre l’incarcération massive et la surveillance des personnes noires.2 Après l’abolition de la traite des esclaves aux États-Unis en 1865, l’adoption du 13e amendement de la Constitution interdit l’esclavage, mais autorise explicitement le travail forcé des personnes condamnées. Le « complexe carcéro-industriel »3 devient alors un moyen d’organiser socialement la ségrégation raciale et « l’incarcération de masse est, métaphoriquement, le nouveau Jim
Crow
»4, comme l’affirme Michelle Alexander5. Le terme « abolitionniste » est donc repris dans la lutte à l’abolition du système carcéral par les activistes afro-américain.e.s pour faire écho à la lutte pour l’abolition de l’esclavage.

L’utilisation du terme « abolitionnisme » est également revendiquée par certains courants féministes pour désigner leur position à l’égard de la prostitution. Depuis les années 1980,  les campagnes et les organisations contre la traite des femmes se multiplient et sont massivement financées. Jo Doezema s’est intéressée à étudier les précédents historiques des mouvements abolitionnistes actuels dans les campagnes contre la « traite des blanches » survenues à la fin du 19e siècle.6 Elle fait l’analyse de la construction mythique à cette époque du paradigme de la victime blanche, innocente et pure et celui du trafiquant diabolique et « étranger ». Ce serait avec le début de l’immigration massive et de la circulation des femmes que serait née la panique autour de la femme européenne recrutée et exploitée à des fins sexuelles dans les colonies. L’existence de ce phénomène n’a toutefois jamais été prouvée. Cette panique, mêlée aux croisades morales et de santé publique visant à mettre fin à la prostitution, a donné l’impulsion nécessaire à la tenue de conventions et de proposition de lois internationales au début du 20e siècle pour adresser le problème de l’« esclavage des femmes blanches ». Les protocoles qui étaient alors mis en place internationalement se fondaient sur des conceptions paternalistes, sexistes et racistes; la mobilité des femmes était considérée comme dangereuse et destructrice pour l’ordre social. 

Dans un récent rapport de recherche supporté par Réseau juridique VIH et Butterfly, qui intervient auprès de s travailleuses du sexe migrantes asiatiques, on apprenait que les politiques d’immigration canadiennes ont historiquement fermé les frontières aux travailleuses du sexe en introduisant plusieurs catégories de personnes interdites dans la Loi sur l’immigration.7 Par exemple, la catégorie « les femmes et les filles qui viennent au Canada pour des “raisons immorales” »8 est introduite en 1910. Cette catégorie a été maintenue et élargie en 1976 pour inclure « les prostituées, les homosexuels ou les personnes vivant des produits de la prostitution ou de l’homosexualité, les proxénètes ou les personnes venant au Canada à ces fins ou à toute autre fin immorale »9. Si les critères de rejet qui régulent actuellement la migration ne sont plus autant explicitement basés sur des critères de normativités sexuelles et sur la désirabilité morale, ils sont surtout formulés dans le langage de la sécurité publique10. Reste que les figures racialisées du proxénète et de la femme trafiquée restent dans l’imaginaire collectif blanc et continue d’influencer les politiques en matière de travail du sexe.

Aujourd’hui, les ambassadeur.rice.s contre l’exploitation humaine se servent du narratif raciste lié à l’esclavage transatlantique dans leur appel à plus de criminalisation des clients et des proxénètes. Comme l’affirme Maynard, ces groupes 

s’approprient les horreurs de l’esclavage pour justifier les pratiques racistes de l’État et créent des conditions qui maintiennent les femmes noires en général et les travailleuse.eur.s du sexe noir.e.s en particulier vulnérables au harcèlement, au profilage, aux arrestations et à la violence.11  

Dissimulé derrière les discours antitraite se trouve également le mythe raciste de l’homme noir violeur et trafiquant. Dénoncé par Angela Davis dans son livre Femmes, race et classe12, ce mythe demeure bien présent aujourd’hui. En témoigne notamment le taux de condamnation abusif, et la surreprésentation des hommes noirs judiciarisés. Au Canada, les personnes noires ne représentent que 3% de la population, mais représentent plus de 9% de personnes détenues au sein des établissements fédéraux.13 Même si les prisons provinciales ne divulguent pas leurs statistiques raciales, les données accessibles montrent des taux similaires au fédéral, et même souvent pire.14 On retrouve également ce stéréotype dans la figure racialisée du proxénète. En reprenant les comparaisons malhonnêtes avec l’esclavage, les défenseurs anti-prostitution détournent la discussion sur les conditions de travail pour faire entendre leurs préoccupations morales sur le sexe, la race et la migration. Ce sont des millions de dollars qui sont investis dans ces organisations15 et ce sont également ces groupes qui sont invités sur les tables de discussion lorsque l’on parle de la criminalisation de notre travail.  

Nous criminaliser pour nous protéger

L’amalgame entre traite sexuelle et travail du sexe met en danger les TDS. Au Canada, ce qui en découle est un ensemble de lois fédérales, provinciales et municipales qui visent à cibler et à éliminer l’exploitation sexuelle. Les supposés objectifs de cette approche pénale et répressive sont de protéger les femmes vulnérables, en leur interdisant de travailler dans l’industrie du sexe et en réduisant la demande par la criminalisation. Concrètement, il existe très peu de preuves qui confirment que ces lois protègent les victimes de traite. Bien au contraire, plusieurs études démontrent que la criminalisation a des impacts négatifs notoires sur la qualité de vie des personnes que ses défenseurs prétendent « sauver ».16

Au Canada, le code criminel inclut spécifiquement une catégorie pénale et des infractions qui interdisent la traite des personnes. Selon un rapport de Statistique Canada, entre 2009 et 2018, sur 1708 incidents de traite humaine, 97% des victimes sont des femmes et filles avec une grande prévalence de cas d’exploitation sexuelle.17 De telles statistiques résultent d’une définition très limitée du trafic et très peu de réponses en ce qui à trait aux abus dans d’autres secteurs de travail non-sexuels comme le travail domestique ou encore l’agriculture.

En plus, le code criminel comprend des infractions spécifiques à la prostitution. Sous la Loi sur la protection des collectivités et personnes victimes d’exploitation, il est interdit de communiquer dans certains lieux publics18 pour offrir ses services sexuels, de se procurer des services sexuels, de profiter matériellement du travail du sexe et de promouvoir ces services. Du même rapport, on apprend que 63% des rapports de police sur la traite comportaient des infractions secondaires impliquant une infraction liée à des services sexuels. Cette statistique démontre bien comment ces lois sont profondément liées aux récits qui ancrent le travail du sexe comme étant naturellement abusif et que très souvent, la criminalisation de la traite des personnes sert avant tout à cibler les TDS. 

L’industrie du sexe est également surveillée et criminalisée par les projets et plans d’action de sauvetage des victimes mis en place par les forces de l’ordre des provinces. En Ontario, l’Opération Northern Spotlight coordonnée par la Gendarmerie Royale du Canada et la police provinciale de l’Ontario a été vivement critiquée par les groupes de travailleuses du sexe.19 Sous prétexte de lutter contre l’exploitation, les policiers, se faisant passer pour des clients, s’introduisaient dans les salons de massage et les hôtels pour piéger les travailleuses du sexe, les intimider, faire des fouilles injustifiées et les détenir de façon arbitraire. Non seulement, ces opérations traumatisent et rendent les TDS d’autant plus méfiant.e.s à l’égard de la police, mais elles n’aident également en rien les supposées victimes d’exploitation. L’opération Projet Crediton, une initiative menée par l’équipe de lutte contre la traite des personnes de la police d’Ontario en 2020, n’a pas donné lieu à une seule accusation de traite humaine, alors que 7 personnes ont été arrêtées et poursuivies pour 32 infractions liées au travail du sexe.20

En addition aux lois fédérales et aux politiques provinciales, les municipalités font de plus en plus l’usage des règlements en termes de zonage et de licence pour cibler et fermer les salons de massage. À Toronto, plusieurs travailleuses ont dénoncé l’utilisation abusive des règlements municipaux par les forces de l’ordre. Par exemple, certaines travailleuses ont témoigné avoir reçu un ticket pour avoir barré la porte de leur salle de travail puisque plusieurs règlements municipaux interdisent de barrer toute porte dans les salons de massage.21 Pour les personnes qui reçoivent dans leur appartement ou dans un salon de massage, barrer la porte est un moyen important pour assurer leur sécurité et « screener » les clients qui se présentent à leur porte. Certains salons de massage à Toronto ont également été soumis aux exigences de zonage les plus strictes, les autorisant à s’établir seulement dans les « zones industrielles d’emploi », qui sont habituellement réservées aux entreprises de fabrication, d’entreposage et d’expédition. Des tactiques similaires ont été utilisées à Laval en 2018 pour faire fermer les stripclubs, les sex-shops et les salons de massages des grandes artères et les reléguer dans des zones industrielles.22 Ces zones sont extrêmement isolées, peu populeuses et peu éclairées, laissant les travailleuses particulièrement vulnérables aux vols et aux violences.  

Celleux qui travaillent dans la rue sont également ciblées par les agents de police comme le témoigne cette personne
« Ils sont sortis de nulle part et m’ont arrêté parce qu’ils ont dit que je traversais à un feu rouge. C’était l’hiver, et personne n’était dans la rue, mais ils m’ont donné une contravention. Ils étaient très durs, très très insistants pour se débarrasser de nous dans la rue à l’époque »23

Les agents de la loi utilisent une variété d’outils pour cibler les communautés criminalisées, racisées et marginalisées, ce qui peut les empêcher d’accéder au système de justice : 

si elles vendent de la drogue ou vivent avec des personnes qui le font, elles peuvent craindre le risque d’accusation de trafic; si elles ont été victimes d’abus dans le cadre du travail du sexe et qu’elles sont séropositives, elles peuvent craindre le risque d’accusation d’aggression sexuelle aggravée pour ne pas avoir divulgué leur statut sérologique; si elles ont un statut d’immigration précaire, elles peuvent craindre de perdre leur statut et d’être déportées. 24

Ainsi, les TDS en situation d’itinérance qui utilisent et vendent des drogues ou qui sont séropositives ont toutes plus de chance d’avoir des mauvaises expériences avec les corps policiers – qu’elles soient directement en lien avec le travail du sexe ou non –  et ainsi, de ne pas porter plaintes en cas d’agressions. C’est particulièrement le cas pour nos collègues migrantes qui sont exposées à la répression policière, sous couvert de les sauver.  

Borders, what’s up with that ? 25                                                                                                                                                     Trafic sexuel et contrôle de la migration des femmes

Par tous les moyens possibles, les forces de l’ordre font des pieds et des mains pour judiciariser les travailleuses du sexe. À travers la constellation de lois, la criminalisation des travailleuses migrantes peut résulter en des pénalités importantes : sous l’article 36 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, toute personne, y compris celles qui ont leur résidence permanente, déclarée coupable d’une infraction punissable par les lois fédérales peut se voir emprisonnée jusqu’à 10 ans et déportée. En 2012, le gouvernement conservateur a réformé la loi sur l’immigration afin d’interdire aux personnes migrantes qui se voient délivrer un permis de travail le droit de travailler dans l’industrie du sexe, même dans les secteurs légaux comme les salons de massage licenciés et les stripclubs et ce, même si ce sont des emplois sans services sexuels (cuisinier, concierge, barmaid, etc). L’Agence de services frontaliers du Canada joue également un rôle important dans le contrôle de l’immigration des TDS. Effectivement, il a été largement documenté que les agents frontaliers font usage de leur pouvoir discrétionnaire pour refuser l’entrée au pays à des personnes jugées comme engagées dans l’industrie du sexe, notamment les femmes migrant de l’Europe de l’Est ou d’Asie de l’Est, souvent profilées comme vulnérables et passives. 26

Si le discours anti-prostitution prend racine dans la xénophobie et le racisme autour de la traite des blanches, il n’est pas étonnant que les lois encadrant le travail du sexe, encore aujourd’hui, servent particulièrement à réprimer les TDS migrantes.27 En 2001, le gouvernement canadien introduit des pénalités spécifiques pour la traite dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Contrairement à ce qu’elles prétendent – protéger les victimes de l’exploitation – ces lois servent plutôt à protéger les citoyen.ne.s canadien.ne.s des personnes migrantes vues comme indésirables. 

En 2000, alors que les préoccupations internationales sur le trafic humain prennaient de l’ampleur, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.28 Si ce protocole fournit un cadre qui permet aux États signataires de mettre en œuvre leur propre système de lois en terme d’exploitation humaine, il reste flou quant à la définition du travail du sexe. En 2012, le gouvernement fédéral annonçait la mise en place d’un Plan d’action national de lutte contre la traite de personnes. La plus récente formule, la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes alloue un budget de 75 millions pour la période de 2019 à 2024.29 Malgré toutes les ressources et l’argent investi dans la lutte contre le trafic humain, on apprend qu’entre le 1er janvier 2006 et le 13 juillet 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada enregistrait un total de 8 accusations portées en matière de traite de la personne et aucune condamnation.30 Les enquêtes, le profilage et les descentes de police en matière de lutte contre la traite des personnes ne permettent que rarement, voire jamais, de découvrir des « trafiquants ». Il ne fait aucun doute que ces pratiques et politiques répressives servent surtout à maintenir un climat de peur parmi les personnes en contexte de migration.

 

Nous aussi: les victimes de la criminalisation

Le modèle légal canadien en matière de prostitution est généralement justifié sous le couvert d’aider les victimes d’exploitation sexuelle et d’éradiquer l’industrie du sexe, décrite comme la parfaite illustration du patriarcat et de l’exploitation des femmes. Défendu également par plusieurs groupes de féministes carcérales, le préambule de ces lois présente les TDS comme des victimes qu’il faudrait à tout prix sauver des proxénètes et des clients, qui encouragent cette exploitation. 

Il est impossible de nier que les travailleuses du sexe vivent des violences dans leur travail. Plus encore, il faut reconnaître que ces violences ont un caractère genré, racialisé et de classe: les TDS pauvres, racisées, migrantes, autochtones, trans et qui travaillent dans la rue sont plus susceptibles de subir cette violence et de subir des formes plus graves de violences.31 32 Toutefois, rarement questionne-t-on les réelles capacités du modèle carcéral et pénal à protéger les TDS.

C’est une vérité de la Palice de dire que le système de justice est inefficace pour traiter des violences genrées: au Canada, on estime que 3 agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation. Avec un taux de 5% de déclarations à la police, il s’agit du crime le moins rapporté. Il s’agit également du seul crime violent dont la proportion n’a pas diminué depuis 1999. 33

De telles statistiques sont évidemment révoltantes. Devant ces chiffres, différentes tendances du mouvement féministe revendiquent davantage de justice, de nouvelles lois, une reconnaissance du féminicide comme catégorie juridique, un tribunal spécial, des peines plus sévères… Mais la capacité du système de justice à traiter de ces violences est rarement interrogée dans son ensemble.

Dans ses travaux, Gwenola Ricordeau montre que non seulement les victimes sont souvent revictimisées34 devant les tribunaux, mais que la forme du procès est en elle-même contraire aux besoins des victimes. En effet, en se soumettant au système de justice, les victimes subissent en quelque sorte un « vol de leur préjudice ».35 Ainsi, elles seront remises en question, interrogées sur la véracité des actes qu’elles allèguent, et l’accusé aura tout avantage à ne pas reconnaître le préjudice causé pour ne pas être reconnu coupable. Cette façon de faire va le plus souvent à l’encontre du besoin de reconnaissance des souffrances des victimes. Plus encore, il est attendu qu’elles remplissent le rôle de la victime parfaite. Ainsi, les femmes les plus pauvres, les femmes racisées, les travailleuses du sexe et celles qui utilisent des drogues sont moins susceptibles de voir leur agresseur puni. 36

Même lorsqu’une condamnation est prononcée, cela ne veut pas dire que les TDS sont protégées. En 2020, à Québec, Marylène Lévèsque, travailleuse du sexe, fût assassinée par son client. Ce dernier était en liberté conditionnelle après avoir purgée une peine d’emprisonnement pour le meurtre de sa conjointe. Son agente de libération conditionnelle savait qu’il fréquentait des travailleuses du sexe et trouvait normal et sain que ce dernier obtienne de la sexualité de cette façon, malgré son passé extrêmement violent et les taux importants de victimisation des TDS. Cette intervention a été défendue par le syndicat des agents de libération conditionnelle.37 Le rapport du coroner, sorti en novembre 2021, recommande le port du bracelet électronique, mais n’interroge nullement les conditions de travail des TDS et l’impact de la criminalisation sur celles-ci.38 Ainsi, le contexte de criminalisation n’empêche pas les hommes dangereux et violents d’accéder aux services des TDS – c’est même ce qui a été encouragé dans ce cas et défendu par l’institution carcérale! C’est que les TDS sont perçu.e.s comme des victimes collatérales, censé.e.s protéger les autres femmes des hommes violents en leur servant de défouloir. 

L’autodéfense des femmes est également criminalisée lorsqu’elles ripostent à des actes de violence. Parce qu’évidemment, les femmes ne demeurent pas passives. Une étude américaine estimait en 2005 que 67% des femmes incarcérées pour l’homicide d’un proche avaient d’abord été victimes de ce dernier.39 Pour les TDS, la légitime défense est souvent un motif de criminalisation et d’emprisonnement. Le cas de Cynthoia Brown est particulièrement révélateur à ce sujet. Mineure au moment des faits et forcée à vendre du sexe par un partenaire abusif, elle a été condamnée à une peine de 52 ans pour avoir tiré sur un client qui l’avait menacé et agressé.40 Après avoir passé quinze ans derrière les barreaux, Cynthoia a été libérée, après que le travail acharné de militant.e.s de Black Lives Matters ait porté son cas devant les médias, puis soit partagé par Kim Kardashian et Rihanna. Si l’accusée a réussi à obtenir la clémence, la majorité des TDS qui utilisent la légitime défense ne bénéficie pas de ce traitement médiatique, entre autres parce qu’elles sont adultes ou sont dans l’industrie de leur propre gré. En juillet 2021, Nichole Hover, une travailleuse du sexe d’Ottawa, a plaidé coupable à un chef d’accusation d’homicide involontaire, après avoir été accusée de meurtre au deuxième degré.41 Elle était avec un client qui a refusé de la payer, prétextant qu’il n’avait pas pu atteindre l’orgasme. Un conflit a éclaté et le client d’Hover est devenu violent. Elle a été condamnée à sept ans de prison. Bien qu’on ignore pourquoi Hover ait choisi de ne pas aller en procès et si elle a eu accès à de la représentation légale, l’issue de cette affaire ne devrait pas nous étonner: au Canada, on estime que 90% des personnes accusées déposent un plaidoyer de culpabilité.42 Les personnes détenues avant procès sont également plus susceptibles de plaider coupable que celles libérées sous caution. Le fait de détenir les personnes avant procès a été qualifié de « stratégie pour arracher un plaidoyer de culpabilité »43 dans certaines recherches. En effet, « [l]es gens vulnérables ayant des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, de déficience cognitive, de pauvreté ou d’itinérance peuvent subir des pressions accrues en faveur d’un plaidoyer de culpabilité. »44

Plus encore, la violence contre les TDS est souvent utilisée pour pousser des lois qui les criminalisent elles-mêmes. Les dernières tueries dans des salons de massage à Toronto en 2020 et à Atlanta en 2021 en sont des exemples. Dans le premier cas, le présumé tueur de Ashley Noelle-Arzaga a été accusé de terrorisme après que la police ait découvert les motifs misogynes et violents associés aux « incels45 ».46 Ces charges peuvent avoir l’air progressistes à première vue; ce n’est pas tous les jours qu’un homme blanc est accusé de terrorrisme. Toutefois, ce n’est pas ainsi qu’elles ont été perçues par la communauté visée par l’attentat. Selon Elene Lam, la fondatrice de l’organisme Butterfly, « les forces de l’ordre sont les plus grands terroristes [pour les TDS ] ».47 Selon un sondage produit par l’organisme, la moitié des répondantes ont déclaré qu’un agent de la paix avait été abusif, oppressant ou humiliant envers elles.48 Plutôt que des charges de terrorisme, les TDS préféreraient plutôt la décriminalisation de leur travail et l’accès à des droits du travail.49 Même son de cloche du côté de Red Canary Song, organisme New Yorkais intervenant auprès des TDS asiatiques et migrantes, suite à la fusillade dans un salon de massage d’Atlanta qui a mené à la mort de 8 femmes:

Nous rejetons l’appel à davantage de police en réponse à cette tragédie. L’impulsion à appeler à davantage de répression est encore plus grande en milieu de toute cette violence anti-asiatique qui appelle à encore plus de peines carcérales. […] La police n’a jamais eu une réponse adéquate à la violence parce qu’[elle] est un agent de la suprématie blanche. La police n’a jamais gardé en sécurité les travailleuses du sexe ou les employées des salons de massage ou les immigrant.e.s. La criminalisation et la démonisation des travailleuses du sexe a blessé et tué un nombre incalculable de personnes – plusieurs aux mains de la police, à la fois directement et indirectement. À cause de la perception raciste et sexiste des femmes asiatiques, particulièrement celles engagées dans des travaux vulnérables et mal-payés, la criminalisation du travail du sexe porte préjudice aux travailleuses des salons de massage, peu importe si elles en font elle-mêmes. La décriminalisation du travail du sexe est la seule façon qu’ont les travailleuses du sexe, les femmes travaillant dans des salons de massage, les survivantes de traffic ou n’importe qui criminalisé pour ses stratégies de (sur)vie d’être en sécurité.50

Puisque c’est le même appareil qui les criminalise, faire appel à la police ou à l’ensemble du système carcéral ne fait donc aucun sens pour ces femmes, particulièrement les femmes migrantes qui vivent avec la menace constante d’être déportées si leur travail est découvert. 

Un argument souvent utilisé pour défendre la décriminalisation du travail du sexe est que les clients et les proxénètes abusifs pourraient être plus facilement dénoncés à la police. Quand on pense à la façon dont la police et tout l’appareil pénal traite les victimes de violences genrées, on peut questionner l’utilisation de cet argument. Alors si ce n’est pas pour aller à la police, qu’est-ce que la décriminalisation apporterait aux TDS?

Criminaliser la pauvreté, pas les prostituées!

En 2020, suite à l’assassinat de l’homme afro-américain George Flyod aux mains du policier Derek Chauvin, des militant.e.s d’un peu partout en Amérique du Nord se sont mis à réclamer le définancement – voire même l’abolition – de la police.⁵¹ Ces militant.e.s revendiquent du même coup que le budget de la police, et plus largement de l’ensemble du système pénal, soit réinvesti dans les ressources sociales et communautaires. Nous pensons que cette proposition est intéressante pour réfléchir la décriminalisation du travail du sexe. Car ce dont ont réellement besoin les TDS, ce n’est pas d’une meilleure criminalisation, mais bien de droits et de ressources.

La décriminalisation du travail du sexe permettrait entre autre que les TDS aient accès aux droits du travail. Nous pensons que l’accès à ces régulations occasionnerait plusieurs améliorations dans nos conditions de travail. Pensons à la capacité d’exiger que les employeurs garantissent un environnement de travail sécuritaire et bannissent les clients problématiques, à un accès facilité à la dénonciation du harcèlement et de la violence au travail et à la capacité d’obtenir des compensations dans ces cas ou encore, à la capacité de dénoncer la discrimination raciale à l’embauche. Les situations de violences pourraient également être davantage prévenues si les clients n’avaient plus peur de la criminalisation, car cela faciliterait l’utilisation de méthodes de screening.

Les lois pour réguler le travail du sexe prenant racine dans le contrôle de la migration, nous pensons qu’il est également essentiel de porter une attention particulière aux conditions des TDS migrantes dans nos revendications pour la décriminalisation. Même en Nouvelle-Zélande, pays souvent vu comme l’exemple en terme de décriminalisation du travail du sexe, les TDS migrantes n’ont toujours pas le droit de travailler légalement près de 20 ans après le changement de lois. La lutte au trafic sexuel est directement reliée aux efforts des pays occidentaux de limiter la migration. Nous pensons que la seule solution pour remédier aux abus des personnes migrantes dans l’industrie du sexe est d’abolir la détention et les déportations, d’ouvrir les frontières et d’accorder un statut pour tout.e.s. Cela permettrait aux personnes migrantes qui travaillent dans l’industrie du sexe, ou dans toute autre industrie qui contourne les droits du travail, d’accèder à des protections sociales.

Toutefois, les réformes légales ne sauraient à elles seules lutter contre les violences structurelles desquelles les TDS sont souvent aux intersections. Les femmes, les personnes migrantes, racisées, trans et hadicapées sont toutes surreprésentées dans le travail du sexe et parmis les personnes victimisées. Les barrières aux emplois traditionnels, les difficultés d’accès au logement à un prix décent et de taille adéquate, les difficultés d’accès grandissantes à des soins de santé gratuits et universels, à la garde d’enfants, et plus largement, la pauvreté structurelle et les inégalités croissantes, sont tous des facteurs d’augmentation de la violence. Ces obstacles structurels font qu’une personne peut être obligée de rester dans une situation de violence, que ce soit la violence d’un conjoint, d’un proxénète ou d’un employeur. La prison, la criminalisation, la stigmatisation et la répression sont des facteurs d’accroissement de ces inégalités et non pas des solutions! Si nous voulons lutter contre la violence envers les TDS, les femmes et les personnes opprimées par le genre, il faudra réclamer davantage de ressources, de l’argent dans nos poches et un toit pour tout.e.s. Nous irons chercher cet argent à même le budget qui nous criminalise!

1. Pour en connaître davantage sur l’abolitionnisme pénal et les analyses qui l’entourent : Gwenola Ricordeau. (2019). «L’abolitionnisme pénal», dans Pour elles toutes. Femmes contre la prison, Lux éditeur.

2. Robyn Maynard. (2015). #Blacksexworkerslivesmatter: White-Washed ‘Anti-Slavery’ and the Appropriation of Black Suffering, récupéré de https://thefeministwire.com/2015/09/blacksexworkerslivesmatter-white-washed-anti-slavery-and-the-appropriation-of-black-suffering/

3.  Le concept de « complexe carcéro-industriel » a été développé à la fin des années 1990. Il met en lumière le développement de la prison et du système punitif dans le contexte post-guerre froide, au moment où le complexe militaro-industriel devait chercher un nouveau marché. Ce concept a été promu par Angela Davis et l’organisation Critical Resistance dont elle a grandement contribué à la création. Fondé en 1998, Critical Resistance est l’un des principal mouvement abolitionniste actif aux États-Unis. Gwenola Ricordeau. (2019). «L’abolitionnisme pénal», dans Pour elles toutes. Femmes contre la prison, Lux éditeur, p. 47-48.

4. Terme désignant l’ensemble des lois promulguées à partir de 1876 par les États du Sud qui servent à organiser la ségrégation raciale dans les lieux et les services publics. Ces lois ne seront totalement abolies qu’en 1964 suite aux mouvements pour les droits civiques. Wikipedia. (s.d.). Lois Jim Crow, récupéré de https://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_Jim_Crow

 5.  Michelle Alexander dans  Gwenola Ricordeau. (2019). «L’abolitionnisme pénal», dans Pour elles toutes. Femmes contre la prison, Lux éditeur, p. 38.

 6.  Jo Doezema. (1999). «Femmes faciles ou femmes perdues ? La réapparition du mythe de la traite des blanches dans le discours contemporain de la traite des femmes» dans  Luttes XXX Inspirations du mouvement des travailleuses du sexe, les Éditions du remue-ménage, p. 362-372. 

 7. Judy Fudge, Elene Lam, Sandra Ka Hon Chu et Vincent Wong. (2021). Caught in the Carceral Web : Anti-Traffiking Laws and Policies and thier Impact on Migrant Sex Workers, récupéré de https://576a91ec-4a76-459b-8d05-4ebbf42a0a7e.filesusr.com/ugd/5bd754_71be1154f6ff4bbb94a03ed7931a32df.pdf

8.  Acte d’immigration, 1910, p. 5. Les articles de la loi sont disponibles ici : Musée canadien de l’immigration du Quai 21. L’Acte d’immigration, 1910, récupéré de https://quai21.ca/recherche/histoire-d-immigration/l-acte-d-immigration-1910

9.  Loi sur l’immigration, 1952, p. 250. Les articles de la loi sont disponibles ici : Musée canadien de l’immigration du Quai 21. Lois sur l’immigration, 1952, récupéré de https://quai21.ca/recherche/histoire-d-immigration/loi-sur-l-immigration-1952

10. Rachelle Daley. (2017) Canada’s Relationship with Women Migrant Sex Workers : Producing ‘Vulnerable Migrant Workers’ through “Protecting Workers from Abuse and Exploitation’’, récupéré de https://scholars.wlu.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=3045&context=etd

 11. Traduction libre de «co-opt the horrors of slavery to justify racist state practices and create conditions that keep Black women in general and Black sex workers in particular vulnerable to harassment, profiling, arrest, and violence.» de Robyn Maynard. (2018) « Do Black Sex Workers’ Lives Matter? » dans Red Light Labour : sex work regulation, agency and resistance, UBC Press, p.288.

 12.  Angela Davis. (2007). Femmes, race et classe, DES FEMMES.

13.  Robyn Maynard. (2018). « Déni de justice : De la rue à la prison » dans NoirEs sous surveillance : Esclavage, répression et violence d’État au Canada, Éditions Mémoire d’encrier,  p.149.  

14. IDEM

15.  Mike Dottridge. (2014). Editorial: How is the money to combat human trafficking spent? Récupéré de https://www.antitraffickingreview.org/index.php/atrjournal/article/view/62/60

16.  Alliance Canadienne pour la Réforme des Lois sur le Travail du Sexe. (s.d.). Infosheets : Impacts of Sex Work Laws (PCEPA/C-36), récupéré de https://sexworklawreform.com/infosheets-impacts-of-c-36/

 17.  Adam Cotter. (2018). La traite des personnes au Canada. Récupéré de  https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2020001/article/00006-fra.htm

18.  Selon la loi, il est interdit de communiquer, «en vue de vendre des services sexuels, dans un endroit public ou situé à la vue du public qui est une garderie, un terrain d’école ou un terrain de jeu ou qui est situé à côté d’une garderie ou de l’un ou l’autre de ces terrains». Gouvernement du Canada. (2014). Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation. Récupéré de https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/LoisAnnuelles/2014_25/page-1.html

19. Judy Fudge, Elene Lam, Sandra Ka Hon Chu et Vincent Wong. (2021). Caught in the Carceral Web : Anti-Traffiking Laws and Policies and thier Impact on Migrant Sex Workers, p.21, récupéré de https://576a91ec-4a76-459b-8d05-4ebbf42a0a7e.filesusr.com/ugd/5bd754_71be1154f6ff4bbb94a03ed7931a32df.pdf

20.  Lake Superior News. (2020). Seven persons charged with running commercial sex trade organization, Récupéré de https://lakesuperiornews.com/News/Canadian-Electiohttps://lakesuperiornews.com/Home/Opinion/Federal-Leaders-on-Twitter/PgrID/660/PageID/13/artmid/738/articleid/1275ns/seven-persons-charged-with-running-commercial-sex-trade-organization

21.  Réglements C 545-343 du Code municipal de la ville de Toronto, Récupéré de   https://www.toronto.ca/legdocs/municode/1184_545.pdf

22.  CTV Montreal. (2018). City of Laval to rein in strip clubs, sex shops, massage parlours, https://montreal.ctvnews.ca/city-of-laval-to-rein-in-strip-clubs-sex-shops-massage-parlours-1.3762910

23. Traduction libre de « They came out of nowhere and stopped me because they said I was crossing on a red light. It was winter, and nobody was on the street, but they gave me a ticket as well. They were very rough, very – very insistent to get rid of us from the street back then » de Judy Fudge, Elene Lam, Sandra Ka Hon Chu et Vincent Wong. (2021). Caught in theCarceral Web : Anti-Traffiking Laws and Policies and thier Impact on Migrant Sex Workers, p. 55, récupéré de https://576a91ec-4a76-459b-8d05-4ebbf42a0a7e.filesusr.com/ugd/5bd754_71be1154f6ff4bbb94a03ed7931a32df.pdf

24.  Stella, l’amie de Maimie. (2021). « Formes intersectionnelles de criminalisation » dans Lire entre les lignes, p. 14

25.  Sous-titre inspiré des paroles de la chanson «Borders» de M.I.A (2015)

26.  Judy Fudge, Elene Lam, Sandra Ka Hon Chu et Vincent Wong. (2021). Caught in the Carceral Web : Anti-Traffiking Laws and Policies and thier Impact on Migrant Sex Workers, p. 49, récupéré de https://576a91ec-4a76-459b-8d05-4ebbf42a0a7e.filesusr.com/ugd/5bd754_71be1154f6ff4bbb94a03ed7931a32df.pdf

27. Rachelle Daley. (2017)  Canada’s Relationship with Women Migrant Sex Workers : Producing ‘Vulnerable Migrant Workers’ through “Protecting Workers from Abuse and Exploitation’’, récupéré de https://scholars.wlu.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=3045&context=etd

28. Sécurité publique Canada, Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2019-2024 (s.d.), récupéré de https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2019-ntnl-strtgy-hmnn-trffc/index-fr.aspx

29. Judy Fudge, Elene Lam, Sandra Ka Hon Chu et Vincent Wong. (2021). Caught in the Carceral Web : Anti-Traffiking Laws and Policies and thier Impact on Migrant Sex Workers, p. 18, récupéré de https://576a91ec-4a76-459b-8d05-4ebbf42a0a7e.filesusr.com/ugd/5bd754_71be1154f6ff4bbb94a03ed7931a32df.pdf

30.  Nora Butler Burke. «Double Punishment. Immigration Penality and Migrant Trans Women Who Sell Sex.» dans Red Light Labor. Sex Work Regulation, Agency and Resistance, 2018, UBC Press, p.203

 

31. Naomie Gelper. (2021). Criminaliser les clients ne protège pas la travailleuses du sexe, selon une étude récente, Métro, récupéré de https://journalmetro.com/actualites/national/2606790/criminaliser-les-clients-ne-protege-pas-les-travailleuses-du-sexe-selon-une-etude-recente/

32. Mathilde Roy. (19 octobre 2017). «3 agressions sexuelles déclarées sur 1 000 se soldent par une condamnation. Pourquoi ?», L’actualité, récupéré de https://lactualite.com/societe/3-agressions-sexuelles-declarees-sur-1-000-se-soldent-par-une-condamnation-pourquoi/

33.  La victimisation secondaire réfère aux effets négatifs que peut vivre une victime en faisant face au système pénal et à leur entourage.  Par exemple, durant leur passage devant les tribunaux, les victimes doivent prouver le préjudice qu’elles ont vécu, en détaillant devant un public qu’elles n’ont pas choisi, les éléments de contexte très personnels, tout en risquant que leur parole ne soit pas reconnue et validée. Inspirée de Gwenola Ricordeau. (2019). «La victimisation des femmes et son traitement pénal», dans Pour elles toutes. Femmes contre la prison, Lux éditeur, p.83

 

34.  IDEM

35. IDEM, p.65

36.  Kathryne Lamontagne. (2020). Meurtre à Sainte-Foy: ils défendent la «stratégie» qui lui permettait d’assouvir ses besoins sexuels, Journal de Québec, récupéré de https://www.journaldequebec.com/2020/01/30/meurtre-a-sainte-foy-un-syndicat-et-la-maison-defendent-la-strategie

37. Isabelle Ducas. (2021). Les travailleuses du sexe auraient voulu qu’on parle de leur sécurité, La Prese, récupéré de https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-11-10/meurtre-de-marylene-levesque/les-travailleuses-du-sexe-auraient-voulu-qu-on-parle-de-leur-securite.php

38. Gwenola Ricordeau. (2019). «La victimisation des femmes et son traitement pénal», dans Pour elles toutes. Femmes contre la prison, Lux éditeur,  p. 76

39.   Molly Smith et Juno Mac. (2018). «Prison nation: The United States, South Africa and Kenya», Revolting Prostitutes. The Fight For Sex Workers Rights, Verso, p.264-265

40. Gary Dimmock. (2021). Ottawa sex-trade worker who fought off and killed bad John sentenced to four more years, Ottawa Citizen, récupéré de https://ottawacitizen.com/news/local-news/ottawa-sex-trade-worker-who-fought-off-and-killed-bad-john-sentenced-to-four-years

41.  Ministère de la justice. (2018). Plaidoyers de culpabilité par des Autochtones au Canada, récupéré de https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jr/pc-gp/p3.html

42. IDEM

43. IDEM

44.  Contraction de involuntary celibate ou célibataire involontaire. Voir Lux Alpatraum. (2018). Sex workers cannot solve the problem of angry, misogynistic men, Vox, récupéré de https://www.vox.com/first-person/2018/5/31/17412786/sex-workers-incels

45.  Radheyan Simonpillai. (2020). «Charging incels with terrorism won’t protect sex workers», Now Toronto, récupéré de  https://nowtoronto.com/news/incels-terrorism-sex-workers-decriminilization

46.  Traduction libre de : « Law enforcement is the biggest terrorist [for sex workers] ». IDEM

47. IDEM

48. IDEM

49.  Red Canary Song. (2021). Red Canary Song Response to Shootings at Gold Massage Spa, Young’s Asian Massage, & Aroma Therapy Spa, récupéré le 14 novembre 2021 de https://www.redcanarysong.net/atlanta

50.  Scottie Andrews. (2020). There’s a growing call to defund the police. Here’s what it means, récupéré de https://www.cnn.com/2020/06/06/us/what-is-defund-police-trnd/index.html

Contre la COVID-19, on veut des putains de droits

Communiqué de presse – Des travailleuses du sexe dénoncent les impacts du couvre-feu

COMMUNIQUÉ
POUR DIFFUSION IMMÉDIATE

Des travailleuses du sexe dénoncent les impacts du couvre-feu

Tiohtià:ke (Montréal, territoire traditionnel non cédé des Kanien’keha:ka (Mohawks) ), 9 janvier 2022 – Des travailleuses du sexe militantes au Comité autonome du travail du sexe (CATS) dénoncent les impacts délétères du couvre-feu sur leurs conditions de travail et de vie. Après 21 mois de pandémie, elles craignent que cette mesure accentue la répression à leur égard et crée davantage de précarité économique et de violence. Elles revendiquent plutôt la décriminalisation complète de leur travail, afin de pouvoir mettre en place des stratégies pour réduire les risques de propagation du virus efficacement.

 

Une mesure qui accentue la précarité et la violence

Suite à l’annonce du couvre-feu le 30 décembre dernier, plusieurs travailleuses du sexe se demandent comment elles vont faire pour travailler et payer les factures. C’est le cas d’une militante du CATS qui travaille dans un salon de massage: «Les heures d’ouverture ont été réduites, ce qui fait qu’il y a moins de clients et moins de plages horaires pour travailler. On est conscientes de l’ampleur de la crise, mais en bout de ligne, on a encore un loyer à payer!» Cette dernière dénonce que plusieurs TDS n’ont pas eu accès aux aides financières d’urgence telle que la PCU et la PCRE depuis le début de la pandémie, dû à la criminalisation de leur travail. «Des mesures comme le couvre-feu, ça accentue la répression policière à notre égard, surtout pour celles qui travaillent à l’extérieur», dénonce une autre militante. «Il y a aussi des TDS qui vont avoir peur de fuire des situations de violence si elles sont avec un client après le couvre-feu!» rappelle-t-elle.

Des droits pour lutter contre la pandémie

Ces dernières revendiquent la décriminalisation immédiate et complète de leur travail, ce qui permettrait de mettre en place des stratégies pour préserver leur santé au travail et limiter les risques de contamination. «Les travailleuses du sexe ont mis en place toutes sortes de mesures depuis le début de la pandémie pour s’assurer de réduire les risques de transmission du virus. Mais tu ne peux pas faire grand-chose si ton employeur s’en fout de la COVID et fait comme si de rien n’était. Parce que si tu dénonces, tu vas perdre ton travail, ou pire, ton milieu de travail va fermer», déplore cette militante. «La décriminalisation nous permettrait d’avoir accès aux droits du travail. Ça ferait en sorte que nos milieux de travail recevoivent des recommandations de la part de la santé publique comme dans les autres industries et qu’on puisse dénoncer nos employeur.euses quand iels ne s’y plient pas, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande où le travail du sexe est décriminalisé!» renchérit sa collègue.

Rappelons qu’un collectif de spécialistes universitaires dénonçait en début de semaine que Québec n’ait commandé aucune étude sur l’efficacité du couvre-feu de l’année dernière. Ces derniers soulèvent également  les conséquences de cette mesure sur la santé mentale de la population en général et les risques pour la sécurité des femmes, personnes migrantes, itinérantes, racisées, travailleur.euses du sexe et utilisatrice de drogues.

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Pour plus d’informations:

Comité Autonome du travail du sexe
438-998-0129
cats-swac-mtl.org

 

Pour assurer la sécurité des membres du comité, les entrevues se feront de manière anonyme.

 

Comunicado

Trabajadoras del sexo denuncian los impactos causados por el toque de queda

Tiohtià:ke (territorio indigeno Mohawk), 9 de enero del 2022Activistas trabajadoras del sexo en el Comité autonome du travail du sexe (CATS) denuncian los impactos del toque de queda sobre sus condiciones laborales y vidas. Ya pasaron 21 meses de pandemia y siguen temiendo la represión en sus vidas por esta medida, acentuando precariedades y violencias. Reivindican la descriminalización entera de su trabajo para implementar estrategias adecuadas reduciendo los riesgos en la propagación del virus.

La precariedad y la violencia por esta medida
El anuncio del toque de queda el 30 de diciembre hizo que se preguntaran mucho sobre las capacidades de trabajar y pagar sus cuentas. Es el caso de una activista del CATS trabajando en un salón de masajes : « Las horas de apertura fueron cortadas, hay menos clientes y los horarios están reducidos. Estamos conscientes de hay crisis, pero aun debemos pagar alquiler!» Denuncia también el inacceso a las medidas de ayudas económicas, el PCU y el PCRE, por la criminalización de este estatus laboral. «Medidas como el toque de queda aumenta la represión policial», denuncio otra activista. «Habrán otras trabajadoras del sexo que viven con temor de huir situaciones violentas con clientes pasando el toque de queda!» 

Derechos para luchar contra la pandemia
Ellas reivindican la descriminalización inmediata y completa de su trabajo. Permitirá de implementar estrategias por la salud en el trabajo, limitar los riesgos de contaminación. «Desde que comenzó la pandemia, trabajadoras del sexo han hecho multitudes de cosas para disminuir los riesgos de transmisión del virus. No tienes muchas opciones si tu empleador no le importa el COVID y hace como si nada. Si denuncias, pierdes tu empleo o cierran.» deplora la activista. «La descriminalización permitiría tener derechos laborales. Podríamos recibir recomendaciones de salud publica, tal como las otras industrias y, ademas, podemos denunciar los empleadores que no se conforman, un ejemplo de esta descriminalización es en Nueva Zelanda!» agrego una colega.

Esta semana, un colectivo de especialistas universitarias denunciaron las consecuencias sobre la salud mental de la gente y los riesgos de seguridad para las mujeres, las migrantes, las que viven sin hogar, las comunidades de color negras e indigenas, trabajadoras del sexo y mas.

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Para mas información

Comité Autonome du travail du sexe
438-998-0129
cats-swac-mtl.org

Para garantizar la seguridad de los miembros del comité, las entrevistas se realizarán de forma anónima.